Le Canadien

La fierté d’une mère

BOSTON — Même dans l’environnement hostile du TD Garden, Lynda Price n’avait pas l’intention d’enlever son chandail numéro 31 durant le match qui opposait le Canadien aux Bruins.

Elle est trop fière de son fils pour cela.

Pas seulement fière que Carey soit devenu l’un des meilleurs gardiens de but du monde. Mais fière, surtout, qu’il ait mis son talent à profit afin de devenir un symbole pour la nation autochtone Ulkatcho, dont elle a été chef du conseil de bande de 2005 à 2009.

« Carey s’est marié et il comprend l’importance d’être un modèle social », a-t-elle confié quelques heures avant qu’il ne récolte son premier blanchissage en saison contre les Bruins.

« Plusieurs de nos jeunes ont besoin de bons modèles et il a fait du bon travail pour en être un. Je suis fière qu’il ait donné de son temps et de son énergie à des jeunes défavorisés ou à des hôpitaux où des enfants sont aux prises avec des situations sérieuses. »

L’été dernier, le gardien de 27 ans est devenu ambassadeur pour le Club des petits déjeuners du Canada. Pour entamer ses nouvelles fonctions, il s’est rendu à l’école d’Anahim Lake, à la mi-août, où il a été reçu en héros par des jeunes qu’il a presque tous convertis au Tricolore. C’est dans un tel cadre, loin des caméras de télé et des propos qui risquent chaque jour de prendre des proportions démesurées, que Price peut s’exprimer le plus ouvertement.

« C’est un très bon orateur », affirme sa mère qui, de son propre aveu, est plus spontanée que son mari, un fermier albertain de nature réservée.

Mais si le gardien du Tricolore est parvenu à projeter une image positive, non seulement pour les Premières Nations mais aussi pour tous les jeunes partisans de l’équipe, c’est entre autres parce que sa mère constituait une inspiration pour lui.

« C’est son ardeur au travail », indique Price lorsqu’on lui demande de nommer la principale valeur qu’elle lui a inculquée.

« Le fait qu’elle soit retournée étudier et qu’elle termine son droit donne une idée de son caractère. J’aime croire qu’elle m’en a transmis une partie. »

LES DEUX PIEDS SUR TERRE

Carey Price est né à Vancouver, mais il n’avait que 3 ans lorsque sa mère a décidé de déménager la famille à Anahim Lake, un village reclus plus au nord de la Colombie-Britannique.

« Nous voulions retrouver la proximité de ma famille et le contact avec les terres ancestrales sur lesquelles nous avons grandi, explique-t-elle. Pour les autochtones, c’est très important, car c’est de là que nous venons. »

Il ne fait aucun doute que le fait de grandir dans ce décor paisible, en pleine communion avec la nature, a façonné la personnalité de Price.

« Nous vivions sur une grande terre, nous avions quelques chevaux, et les enfants ont appris à s’en occuper. Nous étions tout juste à côté d’une rivière, et Carey passait aussi beaucoup de temps à pêcher. »

— Lynda Price

On peut sans exagérer établir un lien entre l’homme qu’est devenu Price et son attitude devant le filet du Canadien.

« Beaucoup de choses lui sont arrivées au fil des ans, mais il est toujours demeuré calme et posé par rapport à tout cela, confie-t-elle.

« Carey roule avec les coups et ne perd jamais de vue le portrait d’ensemble. Il comprend le rôle qu’il doit endosser et les talents que le Créateur lui a donnés. Ça l’aide à garder les deux pieds sur terre. Nous avons tous notre raison d’être dans le monde et nous devons utiliser nos atouts du mieux que nous le pouvons. »

UNE FEMME PASSIONNÉE

Par le passé, le Canadien avait l’habitude d’inviter les pères des joueurs à un voyage annuel. Mais cette saison, la présence des mères a créé une ambiance différente. Plus touchante.

Vendredi, à Boston, lors d’un souper d’équipe au cours duquel les joueurs ont été invités à présenter leur mère, l’émotion était palpable.

« Elle est très excitée d’être ici et d’avoir pu prendre quelques jours loin de l’école pour venir me voir jouer », a raconté Price.

Plus jeune, c’est surtout avec son père Jerry qu’il partageait ses déplacements et sa passion du hockey. Depuis la crique gelée d’Anahim Lake où il patinait jadis jusqu’à toutes ces heures dans le petit avion Piper Cherokee, le lien entre les deux s’est raffermi.

Mais l’influence maternelle n’était jamais bien loin. Lynda s’occupait de Kayla, la jeune sœur de Carey, en attendant le retour de son fils. Et elle l’attendait de pied ferme.

« C’est une personne passionnée qui n’avait pas peur de sortir le fouet pour nous inciter à nous dépasser, particulièrement à l’école. Elle était commissaire scolaire autrefois, et je n’avais pas le choix de réussir ! »

— Carey Price

Lorsqu’il est parti jouer à Quesnel, à l’âge de 15 ans, sa mère a pleuré. Mais elle a compris que cela ne faisait que la préparer au départ de Carey pour Tri-City, l’année suivante, où il a joué son hockey junior.

Bref, elle l’a souvent vu partir.

« Je n’ai pas la chance de le voir très souvent », constate-t-elle.

Mais en fin de semaine, les rôles ont finalement changé. C’était à son tour de partager brièvement la vie sur la route de son fils. Et de voir en direct son fils brandir le poing pour célébrer un autre succès contre les Bruins.

La fierté, encore la fierté.

Une fierté réciproque qui s’est transmise d’un modèle à l’autre.

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